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Droit international privé

Actualité, Analyse et commentaire proposés par

Hélène Péroz

Professeure agrégée en droit privé et sciences criminelles à la faculté de droit de l'Université de Nantes

Of counsel  dans le cabinet d'avocats BMP et associés

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  • Photo du rédacteurheleneperoz

Responsabilité parentale. Condition d’application de l’article 13 du Règlement de Bruxelles II bis


Civ. 1, 1er juin 2023, n° D 21-18.257



M. [F] et Mme [S] se sont mariés le 5 mai 2006 Espagne. De cette union, sont nées en République tchèque deux filles en 2008 et 2012.


Après avoir fixé leur résidence au Costa Rica, les époux se sont séparés à la fin de l'année 2018. M. [F] s'est installé en France en décembre 2018, tandis que Mme [S] est allée vivre avec les enfants aux Etats-Unis.


Le 26 juin 2019, M. [F] a saisi en France un juge aux affaires familiales d'une demande en divorce.

Au cours de la procédure, la mère et les enfants partent résider en Espagne.


Les tribunaux français se reconnaissent compétents pour statuer sur la responsabilité parentale en application du règlement européen n°2201/2003 dit Bruxelles II bis. Les juridictions françaises fixent la résidence habituelle des enfants au domicile de leur père et ordonnent, sous astreinte, la remise immédiate des enfants à celui-ci.


La mère forme un pourvoi en cassation et invoque l’incompétence des tribunaux français.


La question ne concerne que la compétence en matière de responsabilité parentale. En effet, le juge français était compétent pour la désunion. Même s’il manque des informations, nous supposons que M. F est français. Selon l’article 3-a du Règlement Bruxelles II bis :

est compétent (pour le divorce) le tribunal de la résidence habituelle du demandeur s'il y a résidé depuis au moins six mois immédiatement avant l'introduction de la demande et s'il est soit ressortissant de l'État membre en question


La difficulté était de savoir si le juge français du divorce était également compétent en matière de responsabilité parentale.


Or, au moment de la saisine des tribunaux français, les enfants résidaient aux Etats-Unis. Ce n’est qu’en cours de procédure qu’ils sont venus résider en Espagne.


En matière de responsabilité parentale, la règle de compétence générale est fixée à l’article 8 du Règlement de Bruxelles II bis :


Les juridictions d'un État membre sont compétentes en matière de responsabilité parentale à l'égard d'un enfant qui réside habituellement dans cet État membre au moment où la juridiction est saisie.


Au moment de la saisine, les enfants résident aux Etats-Unis. Il faut en effet pour apprécier la résidence des enfants se placer au moment de la saisine de la juridiction, Ainsi il importe peu que les enfants résident en Espagne au cours de la procédure.


Il fallait donc rechercher la compétence des juridictions françaises sur un autre fondement que celle posée à l’article 8.


La demanderesse au pourvoi invoque les articles 8 à 13 du Règlement de Bruxelles II bis pour soulever l’incompétence des juridictions françaises et plus particulièrement l’article 13.


L’article 13 du Règlement Bruxelles II bis est relatif à la compétence fondée sur la présence de l’enfant et prévoit que :


Lorsque la résidence habituelle de l'enfant ne peut être établie et que la compétence ne peut être déterminée sur la base de l'article 12 (prorogation de compétence), les juridictions de l'État membre dans lequel l'enfant est présent sont compétentes.


Les enfants résident dorénavant en Espagne, selon la demanderesse au pourvoi les juridictions espagnoles étaient compétentes au titre de la présence des enfants ce qui entrainaient l’incompétence du juge français en matière de responsabilité parentale.


La Cour de cassation rejette le pourvoi. Elle considère que l’article 13 du Règlement de Bruxelles II bis ne joue que dans l’hypothèse où la résidence des enfants est inconnue.


« L'article 13 prévoit ainsi une règle de compétence subsidiaire fondée sur la seule présence de l'enfant dans l'hypothèse où il s'avère impossible d'établir l'Etat dans lequel se trouve sa résidence habituelle ».


Elle relève que les enfants avaient leur résidence habituelle aux Etats-Unis au moment où le juge aux affaires familiales avait été saisi et que la cour d'appel n'avait pas à procéder à une recherche sur l'application de l'article 13 du règlement Bruxelles II bis.


Ainsi, selon la Cour de cassation, l'article 13 n'a vocation à jouer que dans l'hypothèse où la résidence de l'enfant est inconnue.


L'article 13 du règlement Bruxelles II bis lui même précise son domaine d'application. Il s'applique lorsque la résidence habituelle de l'enfant ne peut être établie.


Il reste à déterminer le fondement de la compétence du juge français sur la responsabilité parentale.


La Cour de cassation justifie la compétence de la juridiction française en application de l'article 14 du règlement.


L’article 14 du Règlement prévoit que :


Lorsqu'aucune juridiction d'un État membre n'est compétente en vertu des articles 8 à 13, la compétence est, dans chaque État membre, réglée par la loi de cet État.


Le règlement de Bruxelles II bis renvoie donc aux règles de compétences internationales de chaque Etat.


En droit commun français, la compétence internationale directe est déterminée par extension des règles de compétences territoriales.


Par extension de l’article 1070 du Code de procédure civile, on ne peut que constater que les tribunaux français n’étaient pas compétents : les enfants ne résidaient pas en France, il n’y avait pas de domicile commun en France et l’époux qui n’a pas pris l’initiative du divorce ne réside pas en France.


Reste alors une compétence subsidiaire prévue à l’article 14 du Code civil. Cette règle permet de saisir le juge français sur le seul fondement de la nationalité française du demandeur.


Même si cet élément essentiel à la compréhension de l’arrêt n’est pas indiqué, la solution de la Cour de cassation ne peut se comprendre que par le fait que le demandeur était français.

Le demandeur étant français, les juridictions françaises étaient compétentes pour la responsabilité parentale.


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